QUAND ÉTHIQUE RIME AVEC ETHNIQUE

"J'suis pas musicien, mais j'entends aussi bien que ceux qui achètent les disques", disait COLUCHE.

J'ai souvent cette question, et à juste titre d'ailleurs, concernant l'éthique derrière cette activité. Comment sont rémunérés les artistes ? Quels sont leurs conditions de travail ? Les œuvres sont-elles authentiques ?

Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne suis pas galeriste professionnel, mais simplement passionné d'art aborigène australien et amoureux de ce pays où j'ai eu la chance de vivre. Au fil des voyages en Australie, je commençais tout bonnement à me retrouver chez moi avec un nombre important de peintures & didgeridoo... et surtout l'envie de partager mes rencontres, mes découvertes suite aux différents séjours qui se sont succédés. J'ai alors créé Galerie GONDWANA.

N'étant pas galeriste de métier et ne souhaitant pas le devenir, j'ai alors trouvé ce compromis en présentant ces toiles sur internet, tout en collaborant avec de véritables lieux d'expositions dont c'est le métier de présenter des œuvres à leur public. J'organise donc de temps en temps, des expos physiques au travers de partenaires.

Mon objectif est simple, et je pense l'avoir concilié avec mes idéaux: Faire découvrir l'art & la culture aborigène en France, continuer à apprendre des ces peuples, financer mes voyages en Australie et le faire dans un cadre éthique.

UN CADRE ÉTHIQUE POUR LES ARTISTES ABORIGENE 

Début des années 2000, lors d'un voyage en Australie, au détour d'une visite dans une galerie d'art du côté de Cairns, je tombe amoureux d'une toile. C'est le coup de foudre, mais elle est chère pour moi, plus de 1000$. Le coup de cœur est là, je casse ma tirelire. 

Quelques jours plus tard, à Alice Springs, je rencontre une association de femmes, victimes de violences conjugales (et oui l'alcool fait des ravages dans les communautés). Elles se regroupent et peignent. il y a bien entendu un côté thérapeutique à cet atelier, mais leur travail est fabuleux, remarquable. Là encore une toile me fait de l'œil... sauf que cette fois-ci nous sommes à 350$. Bien que d'un format plus petit, la différence est flagrante, d'autant que j'ai la sensation de me rapprocher de la source et de mieux en comprendre l'origine, plutôt que de simplement consommer des symboles et couleurs sans en saisir les fondements.

Quelques jours plus tard, un dimanche après-midi, je déambule dans l'artère principale d'Alice-Springs et je tombe sur une famille aborigène un peu mal en point. L'homme semble clairement sous l'emprise de l'alcool, et l'équipée me semble bien cabossés par la vie. Là l'homme m'interpelle et veut absolument me vendre une toile, de qualité bien moyenne. Je décline son offre et comprends clairement que l'argent servira malheureusement à acheter le prochain pack de bières... Le prix était de 50$ !?!

 De cette aventure, je suis rentré en France tracassé. Quel était le véritable prix ? Il n'y a aucun mal à vendre son travail, mais dans quelle poche allait l'argent ? Que pouvait financer cet argent... un pack de bière en guise de pansement éphémère pour une vie cabossée ou un véritable projet de société ? Et je ne fais là aucun jugement bien sûr, mais je m'interroge.

J'ai donc cherché et trouvé des communautés aborigènes structurées, organisées autour de projets pour leurs peuples. En 2009, j'ai ainsi créé Galerie GONDWANA, en travaillant directement avec des communautés du désert central australien, directement, sans intermédiaire.

Les communautés avec lesquelles je travaille, sont organisées sous forme de coopératives, afin d'assurer une juste rétribution aux artistes. Chaque toile que j'achète, je suis certain que 50% de son prix va directement à l'artiste. L'autre 50% va pour la coopérative, pour financer un atelier de travail, des repas, l'achat de peintures, de toiles, le financement de voyages pour assister à des expositions, certains programmes d'éducation ou de santés. Ces coopératives sont d'ailleurs administrées par des membres aborigènes de la communauté.

Les prix sont fixés par la communauté en fonctions de formats et remisés pour que je puisse vous les proposer convenablement. La TVA, les taxes d'importation, etc... font le reste ;-)

FINANCER MES VOYAGES EN AUSTRALIE  

Comme présenté plus haut, cette activité ne nourrit pas vraiment ma famille, mais plus mon cœur. L'objectif financier de cette aventure est de pouvoir boucler les budgets des voyages en Australie.

Ce n'est pas la porte d'à côté, cela prend du temps de pouvoir se rendre sur place, au fin fond du bush australien pour rencontrer ces peuples. Et si vous vous intéressez à l'Australie, vous connaissez forcément, ne serait-ce que le prix des billets d'avion.

J'ai d'autres activités dans l'industrie, qui elles subviennent à mes besoins matériels quotidiens disons. Je partage cela avec vous, mais c'est tout de même important car je peux garder cette ligne de conduite. Je ne suis pas tenu de vendre un nombre de toile par mois, pas d'objectifs de chiffre d'affaire. Mes objectifs sont ailleurs et il n'y a pas de pression financière.

L'ART ABORIGENE Á UN PRIX ABORDABLE

Largement répandu en Australie, l’art Aborigène australien arrive en France à petits pas. Présent au musée du Quai BRANLY, présenté lors d'expositions de plus en plus variées, cependant l'Australie est loin de nous et peu présente dans nos colonnes éditoriales.

Ces peintures sur toiles, incroyablement riches en couleurs et symboliques, sont une véritable porte ouverte sur la culture et les traditions du peuple Aborigène, le Temps des Rêves, période de la création du monde. Des couleurs, des formes et des symboles que nous n’avons pas encore l’habitude de voir en France, ou seulement dans de grandes galeries à des budgets incroyablement élevés.

Un nombre très limité d’artistes renommés au-delà des frontières australiennes, voient leurs toiles se vendre dans les plus grandes galeries du monde à plusieurs dizaines de milliers d'euros.

Cependant, l'art aborigène n'est pas pour autant exclusivement élitiste.

La majeure partie des créations sont réalisées par des Aborigènes reproduisant les symboles transmis de génération en génération, et ce depuis plusieurs milliers d’années. Ces « artistes » spontanés vivent loin des grandes agglomérations, au fin fond de l’outback (arrière-pays) australien. Ces peintures authentiques symbolisent la base même de la tradition et de la culture Aborigène.

Chaque œuvre est unique et authentique et présente une partie du grand secret du temps des rêves, temps de la création du monde pour les aborigènes. En créant Galerie GONDWANA, j’ai donc choisi de travailler directement avec des artistes non cotés. Je rapporte bien entendu de grands formats, mais également de petites toiles, qui n’en sont pas moins imprégnées d’histoires du Temps des Rêves Aborigènes.

Ces petits formats sont généralement très intenses, car ils expriment beaucoup de choses sur une surface limitée et surtout restent à un prix abordable.

Toutes les toiles sont fournies avec un certificat d’authentification reprenant le nom de l’artiste avec sa photo, son nom de peau, sa communauté et la description du Rêve peint.

ME NOURIR DE LA CULTURE ABORIGENE

A une époque où le spirituel manque cruellement dans nos sociétés occidentales, ces toiles sont bien plus que de simples tableaux que l’on va pouvoir accrocher dans son salon. C’est une porte d’entrée vers cette culture plusieurs fois millénaire, aux antipodes de la nôtre.

La culture aborigène a su perdurer plusieurs dizaines de milliers d'années sans écriture et sans bâtir aucun édifice architectural ou grande réalisation matérielle. Les anthropologues et archéologues s'accordent à penser que la culture aborigène remonte à au moins 50 000 ans. Mais quel en est son secret....

Hautement spirituelle, la culture aborigène d'Australie peut sembler simpliste au premier abord, mais elle est extrêmement codifiée et complexe et fait appel à des concepts subtils à saisir pour un occidental pur souche. Le temps des rêves désigne le temps de la création, mais au-delà de çà il est également dans le présent comme une mémoire en action.

La culture aborigène est un savant mélange sucré/ salé, mêlant sans cesse le passé au présent, l'individu à l'univers, le spirituel au matériel. C’est un peu de ces réponses là que je vais chercher je suppose 😉

LES PEINTRES ABORIGENES SONT-ILS DES ARTISTES ? 

Les aborigènes d'Australie utilisent l'expression picturale pour raconter l'origine de la vie, la création du monde, la période du temps des rêves. Sont-ils pour autant des artistes à proprement parler ? Je me pose souvent cette question.

Les symboles utilisés sur les peintures représentent en fait les récits chantés de l'histoire de la création, matérialisés par le graphisme. Ces histoires sont traditionnellement transmises oralement depuis des générations. Il n'y a donc pas création artistique de quelque-chose de totalement nouveau... à la base du moins, car maintenant le mouvement a pris tellement d'ampleur, que l'art aborigène est reconnu comme mouvement pictural à part entière.

De plus, l'art en général n'a pas de fonction définie, contrairement à l'art aborigène, véritable vecteur de transmission culturelle. Pour avancer dans cette réflexion du moment, je tape alors sur internet : "Rôle de l'art" et voici ce que je trouve... "L'Art est essentiel à la santé de la société. Le rôle de l'artiste est de poser des questions et d'amener l'autre à y réfléchir et à bien observer. ... L'Art doit interroger, voir déranger le spectateur dans tous ses rapports avec l'environnement qui l'entoure, il doit lui apporter et faire ressentir des émotions". Là clairement je confirme. Ces œuvres sont donc incroyablement artistiques, touchantes & puissantes, car au-delà des couleurs et des formes, elles véhiculent toute une culture, tout un savoir sacré ancestral. Très souvent, je vois des gens se figer devant une œuvre et me dire "cette toile me parle, je ne saurais pas dire pourquoi, mais ça me touche."

Du coup, là je crois que l'on coche bel et bien la "case artiste" 😉. Une chose est sûre, les rêveurs du désert utilisent l'art pour raconter le monde..

Après, ce qui compte le plus pour moi, ce sont ces visages...

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